Un psychologue, est-ce que ça lui arrive de pleurer lors d'une consultation?

psychothérapie Jan 10, 2020
Article LinkedIn

Le 11 décembre 2019, j’ai publié sur LinkedIn une chronique qui, à mon grand étonnement, est devenue virale. Dix jours après sa publication, plus de 16 000 vues, plus de 200 réactions  (ex.: « like ») et des dizaines de commentaires. Deux mois après la publication, plus de 23 000 vues. Dans le texte, je répondais à une question toute simple: « Un psy, est-ce que ça lui arrive de pleurer lors d'une consultation? » Voici l’article intégral et ainsi que, plus bas, des commentaires/témoignages de thérapeutes et de non-thérapeutes du Québec et de la France.

 

Le texte intégral publié sur LinkedIn

 

Un psy, est-ce que ça lui arrive de pleurer lors d'une consultation?

Pour ma part, je ne pleure pas quand les gens me racontent l'agression sadique dont ils ont été victimes, leur accident d'auto qui a failli les tuer, ou encore la phase terminale de leur conjoint ou conjointe. 

Suis-je touché? Bien sûr. Submergé? Non. Mais il y a des cas où j'ai vraiment les larmes aux yeux...

Ça m'arrive quand une personne revisite, en thérapie, la perte de son enfant. J'ai les larmes aux yeux. À tout coup.

Est-ce que je retiens mes larmes pendant la séance? Non. Comment rester insensible à la perte de cette connexion qui unit un parent et son enfant?

Je suis un humain. J'ai le droit d'être touché. Du moment où cela n'interfère pas avec le processus de guérison. Voilà le point important.

J'imagine que les clients apprécient sentir qu'il y a, devant eux, un humain. 

J'ai la chance de voir ces personnes endeuillées avancer dans leur deuil. Je suis ainsi témoin de leur souffrance, mais aussi de leur guérison.

Vous êtes un intervenant ou une intervenante? Vous arrive-t-il d'être ému devant la souffrance de votre client ou cliente? Merci de laisser un commentaire.

Plusieurs professionnels, tels que psychologue, travailleuse sociale, ergothérapeutes, avocates, médiatrices, conseillers et conseillères d’orientation, etc., ont laissé un commentaire, ce qui a permis d’alimenter et d’enrichir la discussion et la réflexion. Voici quelques-uns des témoignages.

 

Témoignages de professionnels et professionnelles 

« Émue souvent, mais pas de là à pleurer devant eux. Ça m'est arrivé de pleurer après, seule dans mon bureau pour laisser partir la charge émotionnelle. Je ne pourrais aider les gens et les accompagner dans leurs souffrances sans être sensible à leur vécu.  Je suis d'accord que ça prend cet accueil.» - Isabelle Thibault, conseillère d’orientation

« Comment ne pas l'être touché! On ne choisit pas des études en psychologie et on ne travaille pas dans ce domaine sans avoir un minimum d'empathie. Sans parler d'une harmonie entre nos valeurs et les valeurs & principes éthiques d'un psychologue. (oui, je sais, j’intellectualise!^^). Donc oui, mon côté paladin et hypersensible est souvent touché par les problématiques des personnes autour de moi. Mais il faut aussi travailler dessus.» - David Castella, psychologue (France)

 « […] Pour ma part, un professionnel de la relation d’aide, qui ne ressent aucune émotion devant la détresse des gens, je trouve cela inquiétant. Nous ne sommes pas des machines, mais des êtres humains. Croire qu’il faut se couper de ses émotions pour aider est un mythe. En revanche, je pense qu’il faut savoir se retirer quand le vécu de l’autre est trop difficile à supporter. Connaitre ses limites en tant que professionnel est signe d’une bonne santé émotionnelle.» - Mathieu Bréard, conseiller d’orientation

« J'ai le cœur tendre et je suis souvent émue. Pas seulement de tristesse et de compassion devant la souffrance de mes clients, mais aussi de joie devant leurs réussites et la confiance qu'ils me témoignent. Je les trouve beaux d'espérer un avenir meilleur et ça me touche.» - Karine Boyer, conseillère d’orientation

« Merci beaucoup pour ce post car je me suis sentie moins seule et plus légitime avec les larmes qui peuvent venir aux coins des yeux quand un patient me décrit le pire pour lui... je sens les larmes mais jamais elles n'ont coulé... c'est là où se place la différence entre l'empathie et la sympathie...» - Valérie Morales, psychologue

« En tant qu'intervenante il m'est arrivé et il m'arrive encore d'être touchée droit au coeur par le vécu des personnes que j'accompagne.  Comme vous dites "nous sommes des humains"... et c'est tout à fait normal.  C'est plutôt le contraire chez un intervenant qui m'inquièterait ... Nous aidons grâce à nos connaissances et à notre expérience...oui, bien sûr... mais d'abord ... avec notre coeur.  J'en suis convaincue.» - Sylvie Caron, travailleuse sociale

« Émue, touchée, oui. Pleurer, non, mais pas loin. Je me parle beaucoup et je me centre sur la personne. Dans mon cas, ce sont beaucoup de jeunes qui viennent me voir et leur souffrance a un si jeune âge m’attriste. Mais je suis heureuse de voir que la jeunesse souhaite des changements et font les démarches pour accéder à un bien-être! » - Marie Eve Themens, éducatrice spécialisée

« Ah oui j'ai déjà eu les larmes aux yeux mais je les retiens, cela reste discret. Oui le client doit sentir un être humain face à lui mais aussi une personne solide sur qui il peut compter. C'est mon humble avis de médiatrice » - Céline Vallières, avocate et médiatrice

« En effet, en tant que médiatrice j’ai pleuré 2 fois. La première, lorsqu’un père a exprimé son désir de suicide face à son conflit avec ses filles. La seconde, quand une jeune femme m’a raconté l’inceste dont elle a été victime à l’âge de 5 ans.  J’ai effectué 130 médiations environ. Toutes, bouleversantes. Dans ces deux cas, je n’ai pas pu retenir mes larmes.» - Nathalie Tisseyre-Boinet, médiatrice, formatrice et facilitatrice en gestion de conflits

« Pour exercer dans les matières familiales notamment, il faut aimer les contacts humains, donc avoir un minimum d’empathie. Les émotions font partie de la vie, elles ne sont pas honteuses ni même une faiblesse. Elles nous aident à aller vers l’autre et à le comprendre. Nous sommes confrontés au quotidien à des situations douloureuses, voire terribles. Les larmes sont, dans ces situations l’expression, de notre compassion. Anne Dufourmantelle a écrit un livre magnifique qui s’appelle La puissance de la douceur dont je ne peux que conseiller la lecture très instructive.» - Barbara Regent, avocate et fondatrice du réseau Humanethic

« Oui ! Verser des larmes... Ça résonne parfois à l’intérieur... C’est très normal et humain. Bravo à vous de vous permettre cela dans votre pratique.» - Danielle Boivin, ergothérapeute

« Définitivement. That’s what makes us all human being in the end!» - Louiza Benmohammed, ergothérapeute

« Certainement que ça m’arrive. Je suis aussi très émue lorsqu'un client arrive à se sortir d’une impasse psychologique. » - Nathalie Rivard, psychoéducatrice et psychothérapeute

« Sujet tellement important! Merci d’en parler ! Ça me touche à deux niveaux. Comme professionnelle je partage votre position et comme maman ayant perdu un enfant, c’est tellement important de sentir que personne n’est insensible devant notre perte. Ça a changé (pour le mieux) ma façon aussi d’accompagner mes clients qui vivent des souffrances ou des défis importants. » - Geneviève Emond, kinésiologue et kinésithérapeute

« Je suis de nature sensible et lorsque mes clients m’arrivent dans le bureau avec un vécu difficile je ressens leur souffrance sans prendre toute la charge sur mes épaules, je suis touché, mais je retiens mes larmes. Les professionnels en relation d’aide on est tous des êtres humains qui aide d’autres êtres humains et ça il ne fait surtout pas l’oublier.» - Lisa Yevtushenko, conseillère en emploi

« S'il m'est arrivé d'être ému de la souffrance d'un client ? Oh, que oui. Plusieurs fois même. Je ne crois pas avoir pleuré en présence d'un client. Ça tient peut-être à la fonction de témoin expert ("poker face" oblige). Dans mon cas, l'émotion sort plus tard. Évidemment que des clients ont pleuré en ma présence. J'ai même apporté mon soutien à des avocats. (Oui, les avocats pleurent aussi.) J'ajoute, tu me comprendras Stéphane, que les dossiers d'accidents impliquant des enfants sont les moins épais (lire, très peu de paperasse) mais les plus lourds à soulever ; chaque mot a été horriblement pénible à écrire... » -  Michel Lair, témoin expert

« Pour ma part je suis doublement émue lorsque des patients partagent ce genre d’événement, car j’ai moi-même perdu un bébé . Des fois, je partage cette expérience avec des patients, mais sans rentrer dans les détails, bien évidemment, ils ne sont pas là pour m’entendre parler de moi, mais nul y a une autre « connexion » qui s’opère entre eux et moi. » - Sandra Price, psychologue (France)

« Oui j'ai pratiqué la relation d'aide psychologique avec une approche humaniste pendant 19 ans. Oui, il m'est arrivé souvent d'avoir les larmes au yeux devant la souffrance de mes aidés. L'important; c'est de reconnaître ce qui est touché en soi afin de ne pas la projeter sur son aidé. Cette humanité aide, je pense, à la guérison de l'autre. » - Brigitte St-Martin, praticienne en mouvement d'éveil corporel

 

Commentaires du grand public 

« Je ne suis pas intervenante, mais j'ai eu à consulter. Et j'ai apprécié sentir que l'intervenant en face de moi n'était pas de marbre par rapport à ce que je lui racontais. Je trouve que ça augmente le sentiment de confiance que l'on a envers la personne à qui on a décidé de se confier. » - Caroline Gauthier, technicienne en santé au travail

« Quand j'ai perdu ma mère, j'ai rencontré une thérapeute en relation d'aide. Quand je lui ai raconté mon histoire, elle a pleuré avec moi. C'est la personne la plus humaine qu'il m'ait été donné de rencontrer. Je la remercie encore aujourd'hui pour ce beau moment qu'on a vécu ensemble... même si le contexte était difficile. » - Julie Rochon, consultante et formatrice Visibilité Web

Je dis un gros merci à toutes ces personnes de m’avoir autorisé à diffuser leurs commentaires.

 

La parole est à vous! 

L’article a suscité de nombreuses réactions positives et plusieurs commentaires. Pourquoi? Je crois que les consultantes et consultants se sont sans doute reconnus dans mon partage d'expérience.

Un psy, est-ce que ça peut lui arriver de pleurer pendant une consultation? Qu’en pensez-vous?

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