Lina et sa peur de perdre des êtres chers

emt psychothérapie Mar 17, 2019
Technique EMT pour les deuils
«J’ai peur que des gens que j’aime meurent». Voilà une des motifs de consultation de Lina (pseudonyme), une assistante en comptabilité de 26 ans. Cette peur a commencé à germer à la suite du décès subit de son copain dans un accident d’automobile, un an plus tôt. Endeuillée et bouleversée par cet événement, elle avait décidé de me consulter. La psychothérapie s'est déroulée en deux grandes étapes. Les voici. 

 

PREMIÈRE ÉTAPE: S'OCCUPER DU DEUIL TRAUMATIQUE 

Tout d'abord, nous avons travaillé sur le «passé»: le décès tragique de son conjoint et, par le fait même, sur le deuil. Pour ce faire, j'ai utilisé l’intégration par les mouvements oculaires (IMO). En guise de rappel succinct, l’IMO est un traitement au cours duquel la personne cliente, guidé par le thérapeute, effectue des mouvements oculaires lents, dans divers endroits du champ visuel, en vue de faciliter le rappel multisensoriel du souvenir traumatique et son intégration neuroémotionnelle.  L'IMO a effectivement aidé ma cliente à compléter la digestion émotionnelle du traumatisme et à avancer dans son deuil. Au terme de cette première étape de la thérapie, elle se sentait plus dégagée, plus en paix; elle ressentait encore de la peine et s’ennuyait encore de son copain, mais cela était tout à fait normal.

Le «passé» (décès du conjoint) étant en bonne partie résolu, nous avons pu nous occuper, à la séance suivante, du «futur» de la cliente. 

 

DEUXIÈME ÉTAPE: TRAVAILLER LE « FUTUR » PAR L'EMT

Lina avait peur de perdre à nouveau, de façon subite, des êtres chers. Elle estimait sa crainte à une intensité de 7 sur une échelle de 0 à 10. Pour résoudre cette peur, j'ai proposé à ma cliente que nous utilisions l'EMT. À titre de rappel, il s'agit d'une technique  dérivée de l'EMDR impliquant l'exécution de séries de stimulations bilatérales rapides, par exemple du tapping sur les genoux en mode gauche-droite; les séries de tapping durent environ 3 min chacune. 

Ma cliente était d'accord pour vivre l'expérience de l'EMT. La formulation du problème cible: «S’il fallait que quelqu’un que j’aime meure». Voici ce qui a émergé durant les séries de stimulations bilatérales. 

Au cours de la 1re série de tapping, elle a ressenti de la tristesse et a eu envie de pleurer. Elle a pensé à ses parents et à sa meilleure amie : «Ils ne se remplacent pas». Elle s’est imaginée se rendre au salon funéraire, comme lorsque son copain est décédé. Elle a aussi pensé à ceci: «Si l’un de mes parents mourait, je voudrais que l’autre vienne vivre chez moi». Au terme de cette première série, la peur de perdre un être cher était toujours à 7/10.

Au cours de la 2e série de tapping, la cliente a ressenti un pincement au cœur en pensant à ceci : «Je trouverais difficile d’aller voir la personne décédée à l’hôpital et d’aller aux funérailles; ça me manquerait de pouvoir lui parler». Elle a ensuite pris conscience qu’elle avait été capable de vivre ces moments à la suite du décès de son copain et que, par conséquent, elle en serait encore capable. Une tristesse l’habitait. Sa peur de perdre quelqu’un subitement avait diminué légèrement : 6/10.

Au cours de la 3e série, elle a pris contact avec la peur de recevoir une mauvaise nouvelle par téléphone, à savoir le décès d’une personne proche. Elle s’est alors dit qu’elle n’avait pas de contrôle sur le moment du décès des personnes qu’elle aime. Impossible pour elle de prédire quelle personne mourra et à quel moment. Elle s’est ensuite dit ceci : «Il faut que j’aie confiance en la Vie et ne pas tout le temps me stresser avec ça, ne pas toujours y penser». Elle se sentait moins triste. Sa peur continuait de diminuer : 4/10.

Au cours de la 4e série, elle a eu d’autres pensées étonnantes : «J’ai déjà passé au travers du décès d’un être cher (copain)». Elle a alors ressenti une vague de courage et de force monter en elle. Elle espérait néanmoins que si une personne de son entourage mourait, que celle-ci ne souffre pas au moment de la mort. La peur de perdre quelqu’un qu’elle aime a continué de diminuer : 3/10.

La 5e série a permis à la cliente de se donner à elle-même un sage conseil: profiter de tous les moments passés avec ceux qu’elle aime pour ne pas avoir de regret. Elle s’est rappelé une phrase écrite sur une de ses affiches chez elle : «Profitez de chaque petit moment». Elle a alors décidé de raccrocher cette affiche au mur. Elle ressentait l’urgence de vivre. Sa peur lui semblait d’une intensité plus normale: 2/10.

 

BILAN DE LA SÉANCE DE PSYCHOTHÉRAPIE

Nous avons effectué un bilan de la séance d’EMT. La cliente a résumé son expérience de cette façon: «C’est comme si mon cerveau avait bloqué ma peur en l’amenant vers quelque chose de positif sur lequel j’ai du contrôle». La possibilité de perdre quelqu'un lui semblait moins accablante et perturbante qu’au début. Elle constatait que sa peur était beaucoup moins intense qu’au début. Enfin, elle avait plus confiance de pouvoir faire face à une telle situation.

Nous avons terminé la séance d'EMT avec une courte série de tapping lors de laquelle la cliente s’est concentrée sur une cognition positive de son choix liée à au problème cible. La cognition qu'elle voulait garder en tête: «Profiter de la vie avec les gens que j’aime». Pendant cette courte série, elle a trouvé une façon de passer des meilleurs moments avec ses proches: faire avec eux une activité qui les passionne. Lina est repartie sereine et satisfaite des changements survenus lors de la séance d’EMT.  

 

MES COMMENTAIRES EN QUELQUES LIGNES

La séance d'EMT a duré moins de 45 minutes. Si on se fie au propos de la cliente, l'EMT semble bien avoir produit des effets bénéfiques à la fois sur le plan émotif ET cognitif. Elle a adopté un discours réaliste («Je n'ai pas contrôle sur qui mourra et quand»). L'appréhension a été remplacée par une attitude de lâcher prise et de confiance en soi et envers la vie. Elle a décidé de se concentrer ce sur quoi elle a du contrôle: passer du temps de qualité passé avec ceux qu'elle aime. 

Comment avez-vous trouvé cet exemple clinique? Y a-t-il autre chose qu'on puisse dégager du discours de la cliente? 

 

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