Ma réserve d’empathie n’est pas illimitée

psychologie psychothérapie Oct 23, 2022
L'empathie n'est pas illimitée

Je publie régulièrement sur LinkedIn depuis quelques années. Mes statistiques sont disons correctes: je reçois quelques J’aime et quelques commentaires en dessous de mes publications. Mais un événement inattendu est survenu quand j’ai publié un post dont la première phrase était : « Désolé, mais ma réserve d’empathie n’est pas illimitée. » En quelques jours, cette publication est devenue virale (35 000 vues). Elle a suscité plus de 430 réactions (Likes) et des dizaines de commentaires. Pourquoi? Que contenait ce texte au juste pour interpeler autant les internautes?

 

Le texte intégral, devenu viral

Désolé, mais ma réserve d’empathie n’est pas illimitée. 😮

Pour cette raison, je ne suis pas en mesure d'aider 8 clients par jour. Dans mon cas, je me limite à 4. "C'est pas beaucoup", me direz-vous. Eh bien, si je ne respecte pas ce nombre, mon moral et ma vitalité en sont affectés. La qualité de mes interventions aussi. Détail important.

Et qu'est-ce qui peut nuire à notre réserve d'empathie?

La mienne chute en cas de fatigue. J’ai donc tout intérêt à :

👉 prendre soin de moi;
👉 maintenir un équilibre entre mes sphères de vie (travail, loisir, santé, etc.);
👉 avoir une bonne hygiène de sommeil;
👉 réaménager mon horaire au besoin;
👉 etc.

Tout ça par respect pour moi ET pour ma clientèle.
😉

De votre côté, tenez-vous compte de votre réserve d'empathie ? Comment prenez-vous soin de vous au quotidien?

Quels genres de commentaires ce texte a-t-il suscités?

 

Des internautes généreux et authentiques

Les commentaires sous la publication proviennent de personnes de divers horizons professionnels : conseillère d’orientation, psychologue, psychoéducatrice, sexologue, médiatrice, réceptionniste en hôtellerie, chimiste, etc. Plusieurs d’entre elles nous dévoilent comment elle gère leur réserve d’empathie.

« Ça prend du courage par moment d'honorer nos limites dans un métier comme le nôtre... […] Merci pour ton témoignage et cette belle assertion qui peut même jouer le rôle par moment d'une permission et d'un support entre collègues :)  Psychologue et Mère Theresa parlent par moment à l'unisson et ce n'est favorable pour personne. Merci Stéphane. » - Dre Diane Dulude, Ph.D., psychologue et autrice du livre Le TDHA, une force à rééquilibrer

« […] On comprend tellement bien comment la patience peut se retrouver affectée par notre stress, notre fatigue ou les péripéties de notre vie. Pourquoi cela ne serait pas la même chose avec l'empathie? […] » - Bénédicte Vassard, fondatrice de Passages insolites

« […] j'ai pris des années à repérer les signes, à me culpabiliser quand, soudainement, je ne me sentais pas capable du niveau d'empathie auquel mon entourage était habitué.  […] Puis j'ai compris. Je ne suis pas une source infinie. Il faut qu'il pleuve de temps en temps pour alimenter la source. Pleuvoir pour moi, c'est faire de l'exercice seule, marcher dans le silence de la nature seule, poser un geste positif pour un inconnu […] » - Francesca Bourgault, copywriter et stratège marketing

« […] souvent on a l'impression que l'empathie devrait être toujours présente. […] Aussi, il peut y avoir des moments où c'est l'intervenant lui-même qui a besoin d'empathie. Dans ce temps-là, il ne devrait même pas être capable de faire son travail, mais cela ne fonctionne pas ainsi. Nous avons des rendez-vous. […] » - Céline Vallières, médiatrice, formatrice en médiation et conférencière

« Pour mon bien et le bien de mes clients, je me limite aussi à 4 rencontres par jour ou 16 au total par semaine. Oui si on veut faire ce merveilleux travail, il faut savoir doser notre énergie! » - Maryse Filion, conseillère en orientation

« [si je ne respecte ma réserve d’empathie] mon attention n'est pas la même et mes valeurs professionnelles sont mises à mal! Aussi je quitte plus tôt, prends moins de patients, commence plus tard. Comment être contenant et bienveillant si nous sommes au bout de nous-mêmes! » - Eolia Vendewinckèle, psychologue

« Comme gestionnaire scolaire, on ne peut limiter le nombre d’employés, de parents ou d’élèves qui entreront dans le bureau. MAIS, nous pouvons choisir de remettre des discussions plus difficiles à un autre jour quand notre réserve d’empathie (et ou d’auto-empathie!) est vide ou pour préserver ce qui reste pour terminer la journée. […] » - Véronique Beaulieu, coach et consultante en éducation

« Dans la vie, comme dans l'avion, il faut savoir mettre son propre masque en premier en cas de détresse avant de pouvoir aider les autres. »Stéphanie Guérin-Tremblay, consultante en stratégie et déploiement de Marque Employeur à Go RH

« […] les outils que je valorise sont l'écoute de mes contre-transferts (savoir reconnaître les éléments plus sensibles et y porter attention pour demeurer thérapeutique). Je varie ma clientèle, afin de faciliter mes journées, et je favorise les moments où je me sens plus en forme pour des problématiques qui me demandent plus au niveau de mon énergie. Aussi, je m'assure de recevoir de la supervision au besoin afin d'aller chercher un recul clinique pour me réajuster. […]. Entre tout ceci, je m'accorde des moments de plaisir […], et je prends des pauses. Finalement, j'accepte de ne pas tout régler, tout comprendre et tout solutionner! La meilleure façon de nourrir et d'enseigner l'empathie est de nous l'accorder aussi à soi-même 😁. » - Émilie Tremblay, psychoéducatrice

«  […] Je suis dans le processus de quitter l’industrie de l’hôtellerie, parce qu’être réceptionniste d’un hôtel de près de 185 chambres était devenu beaucoup trop drainant et anxiogène pour moi. Imaginez une CENTAINE de personnes auprès de qui je devais être emphatique et souriante TOUS les jours… Avec la pandémie, le prix exorbitant des chambres et les attentes très élevées de la clientèle, ma limite d’empathie arrivait assez rapidement. Cette publication me rappelle que c’est correct. Que je ne suis pas invincible. » - Dominique Paradis, adjointe virtuelle

« Ce post me donne confiance, me parle de poser des limites de façon assertive […]» - Evelyne Fontaine, chimiste

« […] la pandémie à la longue semble avoir nuit de beaucoup au ressourcement et amené une fatigue chez plusieurs professionnel.le.s. » - Isabelle Boisclair, sexologue et psychothérapeute

« […] J'ai déjà renoncé à certains postes qui m'auraient exigé de voir des clients à la chaîne. Je suis à l'emploi d'une organisation qui répartit les devoirs, tâches et rencontres avec beaucoup d'équilibre, et ça, pour moi, ça vaut de l'or! […] Pour le reste, je tente de conserver un peu de temps non planifié dans la solitude pour faire le plein de silence et d'intériorité, j'essaie de faire du sport, voir les gens que j'aime, et dégager de l'espace pour ma créativité. Prendre soin de soi, c'est une discipline! » - Dominique Jodry-Lapointe, conseillère d’orientation

 

Une foule de trucs, astuces et stratégies

Merci à ces personnes pour leur générosité! Leurs témoignages sont parsemés de trucs, astuces et stratégies fort pertinents. Les voici regroupés en 2 grandes catégories :

Recharger ses batteries

  • Faire de l’exercice physique;
  • Passer du temps en nature;
  • S’accorder des moments de solitude, de silence;
  • S’offrir des moments de plaisir;
  • Voir des êtres chers (ils nous énergisent!);
  • Faire des pauses;
  • Commencer plus tard ou terminer plus tôt si possible.

Prévenir la fatigue

  • Prendre moins de patients/clients;
  • Varier sa clientèle en consultation;
  • Recevoir de la supervision clinique, travailler ses contre-transferts;
  • Choisir un employeur qui offre un bon équilibre dans les tâches;
  • Reporter à un autre une discussion qui s’annonce difficile, en cas de fatigue;
  • Respecter un nombre maximal de patients/clients par jour ou par semaine;
  • Privilégier les moments où on est en forme pour les problématiques potentiellement énergivores;
  • Mettre ses limites de façon assertive (= affirmation de soi).

De bons conseils, n’est-ce pas?

 

En conclusion

Je pense que beaucoup de gens se sont reconnus dans mon post sur la réserve d’empathie. Il a résonné en eux. Nous sommes nombreux et nombreuses à avoir cet élan de contribuer au bien-être des autres à travers notre empathie.

Malgré notre générosité, nous sommes des êtres humains avec des limites. Les reconnaître et les respecter peut représenter un défi pour de nombreuses personnes. L’objectif selon moi: trouver un juste équilibre entre prendre soin de soi et contribuer au bien-être des autres.

À mon tour de vous poser les deux questions : tenez-vous compte de votre réserve d’empathie? Comment prenez-vous soin de vous, au quotidien?

 

D'autres textes pleins d'authenticité?

Je vous invite à lire ces articles rédigés à coeur ouvert:

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Comment connecter avec des gens d'origine étrangère?

Le pouvoir thérapeutique des larmes

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Bonne lecture!

Stéphane Migneault, psychologue

P.-S. – Je publie 2 textes par semaine sur LinkedIn. Libre à vous de me suivre sur ce réseau pour du contenu instructif et inspirant.

P.P.-S. – À la recherche d’une conférence sur la prévention de la fatigue et la gestion de l’énergie? J’anime sur invitation en entreprise Faire son bilan de santé… émotionnelle.