Dézipper la culpabilité!
Aug 17, 2018La culpabilité est un sentiment dont plusieurs ont de la difficulté à se défaire. Heureusement, la psychologie offre des moyens divers pour travailler ce sentiment. Pour ma part, j’aime bien utiliser la question clé de Janice Berger, psychothérapeute torontoise, pionnière dans la Deep Emotional Processing TherapyTM et autrice du livre Emotinal Fitness : Discovering our Natural Healing Power.
Selon cette autrice, derrière la culpabilité irrationnelle se cache souvent une peur, de la colère, de l’impuissance ou de la tristesse. Pour dépister l’émotion sous-jacente à la culpabilité, elle recommande de se poser la question suivante : « Si ce n’était pas de la culpabilité que je ressentais, quel sentiment ressentirais-je? ».
J’ai posé la question à mes clientes aux prises avec de la culpabilité. Chaque fois, ou presque, elles parvenaient à trouver l’émotion sous-jacente à ce sentiment. Dans la plupart des cas, elles découvraient une peur. Voici donc des exemples cliniques tirés de ma pratique.
Mélanie et sa culpabilité d’avoir trop habillé son fils
Un bon matin, Mélanie habilla chaudement son fils qui devait participer à une activité scolaire. Voilà qu’en après-midi, la température se réchauffa plus que prévu. Son fils eut particulièrement chaud dans ses vêtements. Mélanie, en apprenant cela, se sentit très coupable. En thérapie, je lui posai la question clé de Janice Berger. Elle trouva sans difficulté le sentiment sous-jacent : la peur de « passer pour une mauvaise mère ». La culpabilité s’atténua du même coup.
Carole et sa culpabilité d’avoir dénoncé une situation
Carole, employée d’une compagnie d’assurance, trouvait qu’il manquait d’équité au travail dans la répartition des tâches entre les employés. Elle se retrouvait souvent à devoir en faire plus que les autres. Un jour, elle dénonça la situation auprès de sa patronne. En sortant du bureau de sa patronne, elle ressentit une culpabilité envahissante. Je l’invitai alors en thérapie à mettre le doigt sur l’émotion cachée en dessous de sa culpabilité : « Si ce n’était pas de la culpabilité que vous ressentiez par rapport à votre geste de dénonciation, quelle émotion ça pourrait être? ». Elle prit conscience que derrière sa culpabilité se cachait une peur viscérale : celle de subir des représailles de la part de ses collègues et d’être rejetée par eux. Du moment où elle prit contact avec cette peur, le sentiment de culpabilité s’estompa. C’est ensuite sur sa peur que nous nous sommes attardés, et non sur le pseudosentiment de culpabilité. En cours de thérapie, elle établit un lien entre sa peur actuelle d’être rejetée et un événement douloureux du passé : elle avait été ridiculisée et mise à l’écart par ses amies à l’adolescence en raison de ses taches de rousseur.
Véronique et sa culpabilité de faire garder ses enfants
Véronique, une professionnelle de la santé, était mère deux filles âgées de 3 et 5 ans. Elle se sentait coupable de les faire garder deux jours pour qu’elle puisse suivre une formation à l’extérieur de la région. J’ai demandé à ma cliente de se fermer les yeux. Je lui posai la fameuse question clé. Pour lui donner un coup de pouces, je lui offris des choix de réponse : serait-ce une peur? Une tristesse? Etc. Véronique dézippa rapidement son sentiment de culpabilité. Elle nomme une peur : la peur qu’il arrive quelque chose à ses filles alors qu’elle serait loin de celles-ci. Elle établit ensuite un lien entre sa peur actuelle et un traumatisme passé : les abus sexuels par son beau-père quand elle était enfant. Véronique, aujourd’hui, craignait inconsciemment que ses filles se fassent aussi abuser en son absence comme elle fut abusée quand sa mère s’absentait... À la séance suivante, je travaillai avec la cliente sur le traumatisme de l’abus, et ce, à l’aide de l’IMO (intégration par les mouvements oculaires). La peur actuelle de la cliente en vint à se transformer en vigilance saine.
Sophie et sa culpabilité de chicaner ses enfants
Sophie se sentait souvent coupable après avoir « chicané » ses enfants. À elle aussi, je lui posai alors la question clé. Elle nomma précisément son véritable sentiment : la peur que ses enfants en viennent à ne plus l’aimer. Autrement dit, Sophie avait peur de perdre l’amour de ses enfants. Lors de la séance, c’est sur cette peur que nous avons travaillé.
Pas d'homme dans les exemples?
Vous vous demanderez peut-être pourquoi il n'y a pas d'hommes dans mes exemples de cas. D'une part, plus de 85% de ma clientèle se compose de femmes; cela se reflète dans mes exemples cliniques. D'autre part, le sentiment de culpabilité semble plus présent chez les femmes que chez les hommes. Ce n'est qu'une impression basée sur mes observations cliniques. Et vous, quelle est votre impression?
En bref
Les quatre exemples cliniques nous montrent comment la culpabilité recouvre d’autres sentiments, sentiments qu’on gagne à « débusquer » et à aborder. La culpabilité, si elle bien appréhendée, peut nous guider vers le cœur du problème.
J’oserais vous convier à accueillir votre sentiment de culpabilité lorsqu’il se présente et à vous poser la fameuse question. N’hésitez pas à en parler avec votre psychologue ou psychothérapeute. Bonne introspection!
Référence bibliographique
Berger, J. (2005). Emotional Fitness, Toronto, Penguin Canada.